Origine et histoire de la Brasserie Excelsior
L'ensemble de l'Excelsior a été construit de 1910 à 1911 pour Charles Maujean, propriétaire-gérant de l'hôtel d'Angleterre à Nancy, et Louis Moreau, brasseur à Vézelise, par les architectes nancéiens Lucien Weissenburger et Alexandre Mienville. Les travaux de maçonnerie ont été exécutés par Bernanose et Lommée, la structure métallique par la Grande Chaudronnerie Lorraine; le mobilier et la lustrerie proviennent des ateliers Majorelle de Nancy. La décoration stuquée a été réalisée par les sculpteurs Léopold Wolff et Guillaume, et les vitraux portent la signature de Jacques Grüber. De 1928 à 1929, l'ingénieur Jean Prouvé a aménagé l'accès par la rue Poincaré et conçu la rampe de l'escalier menant au caveau. Louis Moreau a décidé d'ouvrir à Nancy, lors du conseil de surveillance du 12 février 1910 de la Société Moreau et Cie, une brasserie de style Belle Époque destinée à être vitrine et lieu de débit exclusif de ses produits; le projet, baptisé Excelsior, a coûté 184 000 francs-or et a été amorti en 1919. La brasserie et l'hôtel de cinquante chambres, aujourd'hui transformées en appartements, ont été inaugurés en février 1911.
Épargnée par les bombardements de la Seconde Guerre mondiale, la brasserie a néanmoins été menacée dans les années 1970 par un projet de restructuration du quartier de la gare qui aurait entraîné sa destruction; la municipalité a finalement renoncé après une intervention de Maurice Rheims. Les façades, toitures et la salle de brasserie avec son décor du rez-de-chaussée ont été classées au titre des monuments historiques par décret du 22 juin 1976. Le logo actuel de la brasserie utilise la police Arnold Böcklin, emblématique de l'Art nouveau.
L'édifice, situé à l'angle des rues Henri-Poincaré et Mazagran, offre un contraste marqué entre une façade extérieure sobre, rigide et verticale, et une grande salle intérieure aux lignes courbes décorées de motifs végétaux et exotiques, caractéristiques de l'École de Nancy. L'ensemble décoratif, tardif mais remarquable, résulte de la collaboration de Louis Majorelle, Jacques Grüber et Antonin Daum. Les vitraux de Grüber habillent de fougères, de pins et de feuilles de ginkgo les larges baies; au sol, une mosaïque signée Pèlerin dessine de grandes palmes stylisées. Le mobilier en acajou de Cuba, conçu par Majorelle, est associé à des lambris en tamarinier; l'éclairage comprend trois cents becs lumineux, des lustres et des appliques en cuivre ciselé signés Daum qui mettent en valeur les voussures ornées de fougères. Restaurée par le groupe Flo, la brasserie a retrouvé son éclat et demeure l'un des derniers témoignages des grands cafés et brasseries nancéiens du début du XXe siècle.
Une découverte récente en 2022 a mis au jour, dissimulée derrière un miroir dans la grande salle, une grande fresque Art nouveau représentant des personnages nus; l'image a été restaurée. Pendant l'entre-deux-guerres, une extension de style Art déco a créé une entrée latérale par la rue Henri-Poincaré menant à un vaste palier dont le sol porte les initiales "MV" de la Société Moreau à Vézelise. Ce palier dessert la grande salle à gauche, deux grands salons Art déco à droite et, en face, le grand escalier menant au sous-sol dont la rampe est l'œuvre de Jean Prouvé. Le sous-sol abrite les toilettes, d'anciennes cabines téléphoniques et le caveau, salle voûtée ornée de dalles de marbre gris et de patères chiffrées "MV".
La propriété a appartenu à la famille Moreau de 1910 à 1972, à Stella Artois de 1972 à 1986, au groupe Flo de 1987 à 2016, puis à un restaurateur-investisseur nancéien depuis 2016.